
Mais ce qui est sûr, est que Wade est un homme perdu. En plongeant dans les abysses de la déchéance politique, il emporte aussi Idrissa Seck en le discréditant. Les retrouvailles entre ces deux personnes consacrent la défaite de l’une et le discrédit de l’autre. Wade a perdu pour avoir cédé devant Idrissa Seck à la suite de négociations obscures dont personne, pas même les gens de feu Rewmi, pas même les proches de Wade ne savent le contenu.
En réalité, en évoquant la mort, en voulant réunir une famille qu’il a lui-même dispersée, en constatant que son fils n’est guère à la hauteur du coup d’Etat politico institutionnel qu’il fomentait dans la clandestinité, Wade avoue son inquiétude du lendemain. Il est conscient de l’immensité de la gravité de ses actes allant de crimes économiques à des tragédies comme la mort de près de 2000 personnes dans les eaux atlantiques du Sénégal, de la corruption à la bénédiction d’actes délictueux par un silence consentant. Il ne cherche alors qu’à protéger ses arrières.
Demain, il fera jour : qui répondra alors à la question de sa vie après le pouvoir ? Ne risque-t-il pas d’être rattrapé par l’histoire comme Pinochet, comme Mugabe, Charles Taylor, comme Moussa Traoré et comme d’autres chefs d’Etat longtemps vêtus d’humanisme trompeur ? Dieu Seul sait.
Mais le problème de la succession de Wade reste entier. Trois acteurs en constituent les meneurs : la famille libérale, l’opposition qui ne laissera pas passer une alchimie non démocratique et le peuple dont l’absolue souveraineté fait ou défait les régimes selon les fluctuations électorales. En tendant la main à Macky celui qu’il a voulu traîné dans la boue de l’argent sale et qui risque de lui faire très mal, en invitant ceux qu’il a humiliés et exclus du Pds à le rejoindre, Wade donne la preuve qu’il ne sait plus où il va. Sa perte de popularité, la dégringolade de sa légitimité et sa rupture avec les citoyens qui voient désormais en lui l’expression du mal font de lui un homme disqualifié qui, à moins qu’il ne tripatouille les textes fondamentaux, risque de subir une humiliation avant ou pendant l’élection présidentielle.
Dans cette confusion, Idrissa Seck est le plus grand perdant : il est discrédité à jamais ; son discours de Thiès, fade et terre à terre, s’oppose radicalement à ses propos de 2004 à 2008 où Wade est le vice et le monstre à mettre hors d’état de nuire. Les Sénégalais ont beau être amnésiques, ils n’oublient pas les actes tortueux et ne donnent aucun répit à la fausseté et à la malhonnête. Idrisssa Seck a mené un jeu à la fois faux et tortueux. Tout en lui s’est effrité. Les résultats de feu Rewmi le 22 mars 2009 en sont une illustration. Il n’a gagné que Thiès et Sangalkam. Les libéraux le savent et ne le laisseront pas arracher les rênes d’un parti mort dont on ne sait plus s’il est Pds et Pdsl. En moins de 10 ans, ce parti-là en a fait voir de toutes les couleurs. Il n’est plus un appareil politique ni un instrument idéologique organique. Il ‘est affaissé et seule la force de l’Etat le tient.
Si Idrissa Seck croit en faire un moyen de conservation du pouvoir, il lui faudrait faire face à une lutte sans merci contre ceux-là même qu’il a combattu avec l’énergie de la folie dirigiste d’un homme qui ne croit qu’au pouvoir et à l’argent, c’est-à-dire, un homme dangereux pour les l’Etat et les finances publiques que celui qu’il appelle « père » après l’avoir traité d’ « ancien spermatozoïde, future cadavre ».